Dix-sept milliards d’euros. C’est le montant colossal qui circule dans les couloirs du pouvoir et les salles de marché parisiennes pour le rachat de SFR. Dans un mouvement sans précédent qui pourrait redessiner la carte des télécommunications françaises, Bouygues Telecom, Free et Orange se positionnent pour s’emparer du quatrième opérateur du pays. L’opération, si elle aboutit, constituerait l’une des plus importantes restructurations industrielles de la décennie en France.
Un géant affaibli devenu proie
SFR traverse une période particulièrement difficile. Propriété du groupe Altice depuis 2014, l’opérateur au carré rouge accumule les déconvenues : perte continue d’abonnés, qualité de service dégradée et endettement lourd qui pèse sur ses perspectives. Cette situation critique a transformé celui qui fut longtemps le deuxième opérateur français en une cible potentielle pour ses rivaux, tous désireux de renforcer leurs positions sur un marché où la concentration apparaît désormais inévitable.
Les discussions autour de cette valorisation de 17 milliards d’euros reflètent à la fois la valeur stratégique de SFR (avec ses millions d’abonnés, ses infrastructures réseau et son portefeuille de fréquences) et les difficultés à trouver un accord satisfaisant pour toutes les parties. Dès l’annonce de l’offre, le directeur général du groupe Altice France, Arthur Dreyfuss, a refusé « immédiatement » l’offre. Orange et ses deux partenaires ont accepté la décision mais souhaitent poursuivre les négociations, comme l’explique le premier opèrateur télécom dans son communiqué de presse.
Les obstacles à de telles opérations sont nombreux et redoutables. L‘Autorité de la concurrence et les régulateurs européens examineront avec une vigilance extrême toute tentative de concentration qui pourrait réduire la concurrence sur le marché français. Le passage de quatre à trois opérateurs soulève des inquiétudes quant à l’évolution future des tarifs et de la qualité de service pour les consommateurs français.
Les considérations sociales pèsent lourdement dans l’équation, et c’est ce qui fait également peur aux syndicats qui sont déjà montés au créneau. Toute fusion d’une telle ampleur s’accompagnerait inévitablement de suppressions d’emplois massives et de restructurations. Les syndicats de SFR ont déjà été mobilisés face aux difficultés de l’entreprise et suivent ces développements avec une inquiétude croissante.
Pour les 22 millions de clients de SFR et, au-delà, pour l’ensemble des consommateurs français, l’enjeu est considérable. Le marché français des télécoms est l’un des plus compétitifs et des moins chers d’Europe, notamment grâce à l’arrivée de Free (qui s’est lancé plus récemment sur le créneau des VPN) qui a divisé les prix par deux ou trois sur certaines offres. Une réduction du nombre d’opérateurs pourrait inverser cette tendance vertueuse et conduire à une remontée progressive des prix, même si les acquéreurs potentiels s’en défendent vigoureusement, promettant de maintenir des offres attractives et d’investir massivement dans les réseaux.